Quand le béton de guerre devient lieu de mémoire : découvrir le site muséal de Lorient La Base

Au cœur de Bretagne Sud se dresse un témoignage saisissant du passé, un colosse de béton érigé pendant les heures les plus sombres de l’histoire européenne. Lorient La Base, ancien refuge des sous-marins allemands durant la Seconde Guerre mondiale, s’est métamorphosé en un fascinant quartier culturel et touristique. Ce site exceptionnel, qui s’étend sur 26 hectares et occupe une surface bâtie de 50 000 mètres carrés au sol, illustre de manière exemplaire comment un patrimoine militaire peut être réinventé pour devenir un lieu vivant de mémoire et de transmission. Visiter ce musée à lorient, c’est plonger dans un récit historique hors du commun tout en découvrant un espace résolument tourné vers l’avenir maritime et culturel.

L’histoire fascinante de la base de sous-marins de Lorient

De l’occupation allemande à la reconversion culturelle

La construction de cette base titanesque débute en février 1941 sous la supervision de Fritz Todt et de l’ingénieur Triebel, dans le contexte de l’occupation allemande. Les autorités nazies décident d’implanter sur la côte Atlantique une infrastructure capable d’abriter leurs redoutables U-Boote, ces sous-marins qui menaient la bataille de l’Atlantique. Lorient devient alors le théâtre d’un chantier colossal qui va transformer radicalement le paysage portuaire de la ville bretonne. L’ampleur de cette installation témoigne de l’importance stratégique accordée à ce site, qui deviendra la plus grande base allemande sur le littoral atlantique français.

Les travaux se poursuivent entre 1941 et 1943, mobilisant des milliers d’ouvriers, souvent des travailleurs forcés, dans des conditions extrêmement difficiles. Le site se compose principalement de trois blocs monumentaux baptisés Keroman I, II et III, chacun présentant des caractéristiques techniques impressionnantes adaptées aux besoins militaires du moment. Cette infrastructure permet d’effectuer pas moins de 492 carénages de submersibles sur Lorient, un chiffre considérable représentant près de la moitié des 1149 opérations similaires réalisées sur l’ensemble du territoire français occupé. Le dernier U-boot quitte définitivement Lorient le 9 septembre 1944, marquant la fin de l’ère allemande sur le site.

La reddition de la poche de Lorient intervient le 7 mai 1945, et dès le 19 mai suivant, la Marine nationale française prend possession de ces installations massives. Le site reçoit en 1946 le nom de Jacques Stosskopf, en hommage à l’ingénieur résistant français tombé sous les balles nazies. Pendant 52 années, la Marine nationale occupe et exploite ces bunkers avant de les abandonner définitivement en 1997. Cette date marque un tournant décisif pour l’avenir de Lorient La Base, ouvrant la voie à une reconversion ambitieuse qui débutera véritablement dans les années 90.

La transformation du site s’amorce lorsque des skippers visionnaires commencent à s’installer dans ces structures militaires désaffectées, imaginant convertir les bunkers en hangars pour leurs bateaux de course. Cette mutation progressive conduit à l’émergence d’une véritable Sailing Valley, pôle d’excellence nautique qui attire les plus grands noms de la course au large. En parallèle, la dimension mémorielle et touristique se développe avec l’ouverture dès juin 1997 de visites guidées patrimoniales du bloc K3, permettant au public de découvrir ce patrimoine historique exceptionnel. L’inauguration de la Cité de la Voile Éric Tabarly le 5 avril 2008 constitue l’aboutissement de cette reconversion audacieuse, faisant de Lorient La Base une destination culturelle et touristique de premier plan en Bretagne Sud.

Architecture militaire et patrimoine historique préservé

L’architecture de Lorient La Base reflète les impératifs militaires de l’époque et la volonté allemande de créer des fortifications quasi indestructibles. Keroman I, le premier bloc construit, dispose de cinq alvéoles desservies par un système de slipway permettant la mise à l’eau et le halage des sous-marins. Sa toiture, d’une épaisseur de 3,50 mètres, constitue déjà une protection significative contre les bombardements aériens que les Alliés ne manqueront pas de déclencher. Cette première structure pose les bases d’une conception architecturale qui sera affinée dans les blocs suivants.

Keroman II représente une évolution notable avec ses sept alvéoles spécialement conçues pour les réparations des submersibles. Cette structure abrite également une caserne capable d’héberger 1000 hommes, témoignant de l’ampleur des moyens humains mobilisés pour assurer le fonctionnement de la base. La toiture atteint ici 7 mètres d’épaisseur, soit le double du premier bloc, offrant une résistance accrue face aux bombes de plus en plus puissantes larguées par l’aviation alliée. Cette épaisseur considérable explique pourquoi ces bunkers ont traversé les décennies sans dommages structurels majeurs.

Le bloc Keroman III pousse encore plus loin la logique défensive avec une capacité d’accueil pouvant atteindre 13 sous-marins répartis dans sept alvéoles spacieuses. Sa toiture renforcée constitue l’exemple même de l’architecture militaire allemande de cette période, conçue pour résister aux bombardements massifs. Chaque détail de construction témoigne d’une ingénierie pensée pour la durabilité et la protection maximale des précieux U-Boote qui représentaient une arme stratégique décisive dans la guerre sous-marine. Un quatrième bloc, Keroman IV, fut entrepris mais jamais achevé, la construction ayant été ralentie puis abandonnée avec l’avancée des forces alliées. Seuls quelques murs et fondations subsistent de ce projet inachevé.

Aujourd’hui, ces structures colossales ont reçu le label Patrimoine du XXe siècle, reconnaissance officielle de leur valeur historique et architecturale exceptionnelle. Les bunkers accueillent désormais des pontons modernes où s’amarrent des bateaux de plaisance et de course, des hangars reconvertis pour l’industrie nautique, ainsi que des espaces dédiés à la culture et au tourisme. Cette cohabitation entre le béton de guerre et les activités contemporaines crée une atmosphère unique où l’histoire dialogue constamment avec le présent. Le site attire désormais plus de 200 000 visiteurs par an, venus découvrir ce patrimoine hors du commun et les multiples activités qu’il propose.

Visiter Lorient La Base : un parcours mémoriel unique

Les expositions et espaces dédiés à la mémoire

La visite de Lorient La Base offre une immersion complète dans l’histoire maritime et militaire du site. Le Musée Sous-Marin du Pays de Lorient constitue l’un des points d’orgue de cette découverte, permettant notamment d’explorer le sous-marin Flore-S645 qui comprend un espace spécifiquement dédié à la période de la Seconde Guerre mondiale. Cette expérience saisissante permet de comprendre concrètement les conditions de vie des marins dans ces submersibles et l’importance stratégique qu’ils représentaient. La Cité de la Voile Éric Tabarly, ouverte en 2008, propose quant à elle un espace muséographique entièrement consacré à la course au large, célébrant l’héritage du légendaire navigateur breton. Les célèbres Pen Duick d’Éric Tabarly y sont amarrés depuis cette même année, offrant aux visiteurs l’opportunité d’admirer ces bateaux mythiques qui ont écrit les plus belles pages de la voile française.

Le bloc K3 se visite lors de parcours guidés qui permettent de gravir les 135 marches menant aux différents niveaux de cette forteresse de béton. Ces visites patrimoniales, proposées depuis juin 1997, dévoilent l’organisation intérieure de ces bunkers, leurs systèmes défensifs et les traces encore visibles de leur occupation militaire. Les guides partagent les récits poignants de cette époque troublée, évoquant tant les occupants allemands que la population lorientaise qui a subi bombardements et privations. Le Quai des visages constitue une installation artistique monumentale particulièrement émouvante, avec des fresques photographiques géantes ornant les façades des bunkers et présentant 10 000 portraits d’anonymes, témoignage universel de la mémoire collective.

La dimension commémorative du site prend une ampleur particulière avec la préparation du 80ème anniversaire de la libération de la poche de Lorient. Une grande séquence mémorielle a débuté dès juin 2024, orchestrée par des communes, des associations et des passionnés d’histoire. La grande journée commémorative du 10 mai 2025 marquera solennellement cet anniversaire, avec de nombreux événements destinés à honorer la mémoire des victimes et des héros de cette période. Une exposition intitulée Vivre la guerre au pays de Lorient 1939-1949 est présentée jusqu’au 30 juin, offrant un regard documenté sur la vie quotidienne durant ces années tragiques. Des circuits historiques sont également accessibles via l’application Rando Bretagne Sud, permettant aux visiteurs de découvrir de manière autonome les différents sites marqués par l’occupation et la résistance.

Des expositions temporaires viennent régulièrement enrichir l’offre culturelle du site. Une présentation consacrée à Germaine Kanova, photographe de guerre dont le travail documentaire reste précieux pour comprendre cette époque, est notamment prévue à Port-Louis. Une exposition-hommage à Antony Fleur sera également présentée à Ploemeur, tandis qu’une brochure téléchargeable intitulée Sainte-Hélène sous le feu de la guerre témoigne de l’engagement local pour préserver et transmettre cette mémoire. L’Association Mémoire Patrimoine de Clohars-Carnoët propose par ailleurs la visite d’un bunker du Mur de l’Atlantique au Pouldu, complétant ainsi le panorama des sites historiques de la région. 

Informations pratiques pour organiser votre visite

Planifier une visite à Lorient La Base nécessite de prévoir suffisamment de temps tant l’offre d’activités est riche et variée. Outre les espaces mémoriels et muséographiques, le site propose de nombreuses activités nautiques et sensorielles qui séduiront tous les publics. La Cité des Moussaillons, ouverte le 19 octobre 2024, accueille spécifiquement les enfants de 2 à 12 ans dans un espace ludique et pédagogique dédié à l’univers maritime. Les familles apprécieront également le TyRoll, une expérience spectaculaire consistant en une descente en tyrolienne depuis la Tour des Vents culminant à 38 mètres de hauteur, atteignant la vitesse vertigineuse de 60 kilomètres par heure et offrant une perspective inédite sur l’ensemble du site.

Les amateurs de navigation trouveront leur bonheur avec plusieurs propositions de sorties en mer. Challenge Océan, Sensation Océan, UCPA Croisières et Yellow Impact Sailing proposent différentes formules de balades sous voiles ou de croisières commentées sur la rade de Lorient, permettant d’admirer la base depuis la mer et de comprendre sa configuration stratégique. La visite du Pôle course au large offre quant à elle l’opportunité de découvrir les coulisses de la préparation des grands bateaux de course et d’approcher l’univers professionnel des skippers qui ont fait de Lorient la capitale française de la voile océanique. Le port à sec présente également un intérêt certain pour observer la diversité des embarcations amarrées sur le site.

La restauration n’est pas en reste avec une offre diversifiée de bars et restaurants installés dans ou à proximité des anciens bunkers. La Baleine déshydratée, K5, La Base, PC de la Base, le Comptoir Groix & Nature, Les Toqués du Bocal, La Marmite de Julie et LeRooftop LaBase proposent des formules variées adaptées à tous les budgets et toutes les envies, du simple rafraîchissement au repas gastronomique avec vue sur le port. Des boutiques comme Groix & Nature ou 727 Sailbags permettent également de rapporter des souvenirs authentiques et originaux, souvent fabriqués à partir de voiles recyclées, témoignage de la créativité locale et de l’engagement écologique.

Pour optimiser votre visite et réaliser des économies, Lorient La Base propose des réductions tarifaires attractives : 10% de réduction pour deux visites ou activités choisies, et 15% pour trois visites ou activités. Les tarifs individuels varient généralement autour de 15 euros pour les adultes et entre 5 et 6 euros pour les enfants selon les attractions. Un partenariat avec la Citadelle de Port-Louis permet également d’obtenir un tarif réduit pour ses musées sur présentation d’un billet plein tarif de Lorient La Base. Le site accueille volontiers les groupes, qu’il s’agisse de scolaires, d’associations, de comités d’entreprise ou d’événements professionnels, avec des formules spécifiquement adaptées. Pour toute information complémentaire ou réservation, le site peut être contacté au 02 97 655 656 ou à l’adresse Lorient La Base CS 20379 56323 LORIENT Cedex.

En 2019, l’ouverture de l’Hydrophone, une salle de musiques actuelles installée dans un blockhaus, a ajouté une nouvelle dimension culturelle à ce lieu déjà riche, prouvant que plus de 70 ans après sa construction militaire, Lorient La Base continue d’évoluer et de se réinventer. Ce site exceptionnel incarne parfaitement la capacité d’une société à transformer un héritage douloureux en espace de mémoire vivante, de culture et de découverte, où le béton de guerre dialogue désormais avec la création artistique, l’innovation nautique et la transmission aux générations futures.